Relever la Tête

Brisée, avec pour seul vêtement le haut de mon père et un vieux morceau de tissu pour cacher mes jambes couvertes de coupures, je n'arrivais même pas à me relever. La mort aurait été plus douce. Ce démon m'avait détruite. Le simple fait de penser me tordait de douleur. Tremblante de peur et de douleur, je rampais loin de la tour de laquelle j'avais passé 4 ans d'horreur. Me cognant à tous les angles, et poteaux, inhabitée à ma nouvelle cécité, je m’écroulais dans une vieille ruelle miteuse. Mes ailes brisées frottaient lamentablement le sol. Mes larmes, mélangées à mon sang, coulaient sans s’arrêter, absorbée par la terre sèche. Complètement renfermée sur moi-même, je ne sentais même pas les petits coups de pieds que me donnaient les démons qui passaient, dès qu’ils voyaient mes ailes. Même si j’étais une gamine mutilée, un ange restait un ange.

Noirceur, solitude, douleur et pleurs furent mes seules compagnons dans cette première nuit « libre » en Enfer. Je fis cauchemar sur cauchemar, et la douleur de mes blessures frottant contre la pierre et le sable des rues de la place m’empêchèrent de trouver le sommeil qui aurait pu me calmer.
J’arrachais un morceau de tissu à ma jupe de fortune, et je séchais mes larmes ensanglantée avec. Mais la douleur des yeux crevés et la peur firent repartir les larmes. Désespérée, je me levais d’un bond, et la tête me tourna rapidement, vu la quantité de sang que j’avais perdue. Je restais debout comme je pouvais mais la fatigue me terrassa et je m’écroulais … sur un démon qui passait.
Il se retourna lentement. Je ne pus le voir mais ses yeux lancèrent des éclairs, et mes ailes n’arrangèrent rien.

- Dis-moi, l’ange… Qu’est ce que tu fous ici ? Et qu’est ce que tu m’as fait ?

Je n’arrivais même plus à parler correctement, mes récentes conversations n’ayant été que pleurs et cris.

-Tu ne t’excuses même pas ??!! Pourriture ailée, tu vas voir ce qu’il arrive aux gens de ton espèce !

Je sentais un violent choc dans mon ventre et les paies se rouvrirent. Vomissant de douleur, crachant le sang, je me préparais à revenir dans le royaume de Dieu définitivement.

- Passe le bonjour à ton roi !! Me cria le démon.

Mais le choc ne vint pas. J’entendis alors une voix très calme, douce et reposante. J’en profitais pour me mettre dans la position la plus confortable, c'est-à-dire en fœtus. Les cris de joie des démons s’estompèrent peu à peu. Une chose était sur. Quelqu’un d’inattendu avait pris ma défense.

Place des torturats ! Qu'est-ce que je faisais là ?! Même pour moi, c'était du suicide ! Je me demandais parfois si mon roi ne s'amusait pas à me donner des missions infaisable juste pour vérifier les rumeurs qui couraient à mon sujet. L'anti-magie m'appelait-on parfois. Le fléau des démons plus souvent. Des surnoms qui me laissaient froid, mais qui m'attiraient souvent des missions dangereuses, comme celle d'aujourd'hui.

Vêtus de simples vêtements gris et puants. Enmitouflé dans une cape brune et le visage caché sous la capuche, je marchais dans les ruelles de cette ville où les cris de douleurs remplaçaient les chant des oiseaux. Je ne pouvais pas porter mon armure ici, pas sans me faire repérer, pas plus que de porter mes armes. Je devais rester discret pour retrouver un démon que mon roi voulait interroger personnelement. Le trouver n'allait pas être simple parmi cette foule de cornus, mais pire encore serait de le ramener. Je n'avais pas la faculté d'ouvrir des portails magiques, il faudrait donc que je le traîne jusqu'à celui qui m'avait déposé en enfer à dix kilomètres de la ville.

J'arpantais la place à la recherche de ce démon en me faisant aussi discret que possible. Pa simple pour moi, qui n'avait pas l'habitude de l'infiltration. J'étais un guerrier, pas un espion ! Hikari aurait été bien plus indiqué pour cette mission. Bref, passons. Le roi avait parlé et je me devais d'exécuter ses ordres.

Soudain, un démon parmi tant d'autre attira mon attention. Il correspondait à la description que l'on m'avait faite de ma cible. Je le pris en filature et il m'emmena jusqu'à une petite ruelle déserte. Je décidais qu'il était temps de mettre un terme à cette chasse et commença à me rapprocher de lui. Je ne m'attendais sûrement pas à ce qui suivis. Un ange lui tomba dessus. Je me cachais derrière une caisse alors qu'il se retournait pour l'incendier. L'ange en question, de ce que j'avais aperçus, était une jeune fille, frêle et blessée. Etais-ce possible qu'il s'agisse là d'une espionne de Raphaël ? Je ne le savais mais quoiqu'il en fut, je ne pouvais décamment pas la laisser se faire tuer.

J'entendis le bruit sourd d'un coup porté. Je sortis de ma cachette. Le démon était rivé sur la pauvre ange. Elle semblait se préparer à mourir tandis que le démon armait un nouveau coup. Il leva la main haut au-dessus de sa tête et l'abaissa avec force et rapidité. Seulement son coup ne porta pas. Ma main autour de son poignet avait stoppée son attaque et déclenchée sa surprise. D'une voix calme et douce je le mis en garde.

"Vous ne la tuerez pas."

Le démon se détâcha de mon emprise et recula de trois pas. Je profitais de ce recul pour me placer entre lui et l'ange qui était désormais en foetus. Le démon essaya de percer l'ombre qui masquait mes traits avec un regard insistant. Je puais trop pour qu'il puisse percevoir mon odeur d'ange, mais il était suspicieux. Néanmoins, son arrogance prit le dessus et il me pria de disparaître.

- Casse-toi tas de boue. Les rats de ton genre je les saigne sans égards !

Je souris à cet avertissement. Je n'allais pas obéir, aussi je ne bougeai pas d'un pouce. J'étais prêt à parer toute attaque.

"Elle reste en vie... et toi tu viens avec moi."

Simple, concis. J'avais dit cela comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Le démon prit une barre en fer et l'enflâmma. Son tont se fit plus menaçant.

- Fous le camp !

Il allait être surpris.

J’avais le gout du sang dans la bouche, et une douleur au ventre qui n’en finissait pas. Pourquoi devais-je endurer toutes ces horreurs ? Je rampais comme je pouvais pour trouver un endroit où je pouvais souffler. Je me plaçais derrière l’homme qui venait de stopper le démon, seul endroit sur dans ce lieu de torture.

Ce dernier rageait, sans doute étonné que quelqu’un l’arrête dans ses stupides besognes. La hargne qu’il mettait dans ses paroles montrait que l’homme n’était pas le bienvenue, voir même en danger d’être rossé… Par ma faute.
Les larmes revinrent quand l’homme déclara que je devais rester en vie… Les 4 ans que j’avais passé m’avaient apprit que toute personne voulant m’aider n’était pas forcément un futur allié. Combien de démon m’avaient promis la liberté pour mieux me briser plus tard ? Instinctivement, à cette phrase, je reculais, un peu plus méfiante. Et si le preux chevalier que je m’imaginais n’était qu’un autre démon qui voulait une faible ange pour sa collection personnelle ?

Les deux homes continuaient de délibérer sur mon sort, et sur celui de mon sauveur. Je recommençais à trembler. Je reculais encore un peu et je trébuchais sur une roche qui dépassait de la chaussée. Tombant lourdement, la douleur revint, lancinante. Je sentais alors au bout de mes doigts une matière rigide et coupante. Un morceau de fer brisé. De nombreuses idées virent alors me frapper, toutes les plus folles les uns que les autres. Les années de souffrance pouvaient être enfin payées ! Mais mon état était déplorable, et mes forces étaient à bout. Je n’avais même plus la force de me relever. Mais la peur de repartir en prison et les cris des démons alentours m’aidèrent à trouver la force nécessaire pour me relever.

Les larmes ensanglantées qui souillaient mon visage recommencèrent a couler. La douleur me faisait tourner la tête, mais quitte a mourir, je devais au moins me venger sur quelqu’un. N’importe qui, un démon, un ange, un humain, je devais frapper un corps avant de mourir, transpercée de part en part par les nombreuses armes que j’entendais frotter contre le cuir et le fer des armures.

Lorsque le démon poussa l’homme qui m’avait sauvé sur le coté pour pouvoir me tuer tranquillement, j’hurlais à toute ma rage que mon pauvre petit cœur meurtri possédait.Je sentais le morceau de fer s'enfoncer profondément dans sa chair, mais j'ignorais où. Son cri d’étonnement se transforma un râle d’agonie au fur et à mesure qu’il perdait du sang.

Lorsqu’il s’écroula, le silence de la place était palpable. Tous les démons avaient surement cessé toute activité. Le bruit du fer frottant doucement contre le fourreau s’entendit alors dans toues les directions. A mort pouvait venir, je m’étais vengée. Plus rien n’avait d’importance dès lors.

Le démon n'ajouta rien. Il se contenta de charger en silence. J'esquivais son coup d'un pas sur le côté et il en profita pour me pousser afin d'atteindre sa cible. Cible qui était debout à la lisière de la rue désormais et qui tenait un vieux éclat de fer rouillé entre les mains. Je ne sais pourquoi, mais j'ai laissé le démon l'approcher et j'ai laissé cet ange brisé le tuer. J'aurais dû régler cela autrement, car après le cris de rage de la frêle créature, plus un bruit ne se répercutait dans la place. Même les cris de douleur s'étaient tus. Cela ne présageait rien de bon... Je me rapprochais de l'ange aveugle sans percer ce silence, légèrement inquiété par ce silence contre nature. Puis, il arriva ce qu'il devait arriver. Le bruit de lames que l'on tire des fourreaux.

La situation serait bientôt invivable. La discretion n'était plus de mise. Je retirais cette cape puante qui masquait mes traits, j'arrachais les lambeaux qui dissimulaient mes vêtements, pour qu'il ne reste que ceux que je portait à l'accoutumée. Une tunique renforcée légèrement au niveau des épaules, un pantalon en toile et une large écharpe en toile légère. Le tout était gris, du même gris que mes yeux et mes cheveux. J'aimais cette tenue et je trouvais que je ne la mettais pas assez souvent, l'armure étant mon seul habit depuis bien longtemps. Enfin tergiverser sur mes habits n'a pas vraiment sa place dans cette situation.

Sans perdre plus de temps, je pris le poignet du bras armé de l'ange avec fermeté, rapidité et douceur. Je lui fit lâcher l'arme improvisée pour m'en saisir et prit dans mon bras droit l'angelot. Elle ne se débattit pas. Ainsi arnaché, j'évitais une flèche qui alla se planter dans une caisse en bois derrière nous. Il nous était impossible de sortir de la ruelle par ce bout-ci. Je fis donc demi-tour et courut jusqu'à l'autre. Seulement, un démon muni d'une épée à une main nous y attendait de pied ferme. Cette fois ce fut moi qui envoya un projectile. D'un geste rapide et puissant, je fis voler le morceau de fer. Il alla se figer dans le coeur du démon qui s'écroula sur place dans un gargouillis haineux. Continuant sur mon élan, je ramassais son épée et m'apprêtais à sortir de la ruelle. Seulement au lieu de pouvoir nous enfuir, je reçu une pluie de boule de feu en guise de réception. J'eus juste le temps de me mettre de dos pour protéger mon fardeau. Les explosions se multiplièrent, les flammes s'étendirent sans que je ne sente rien, ni que ça n'ait aucun effet et quand la fumée s'estompa, j'étais déjà reparti au centre de la ruelle.

"Je ne sais pas qui tu es petite, mais comme tu peux le constater la colère est mauvaise conseillère. Je m'ap..."

Des cris retentirent, me coupant dans mes présentations. Cependant, j'avais raison, il n'y avait que la colère pour mettre en si peu de temps le feu aux poudres. Au cours de bien des batailles j'avais déjà tuer bien plus de démons que ne comportait cette place, mais sans mon armure et sans mes armes, je me sentais bien seul. Le bon côté des choses était qu'aujourd'hui je ne devais veiller que sur un seul ange, car pendant une bataille, je me faisais un devoir d'aider chacun de mes hommes s'il avait besoin de moi.

"Ils sont là !"

Je fis volte face vers la voix et vit que déjà une dizaine de démons arrivaient et étaient prêts à en découdre. Je n'aurais pas dit non, mais mon objectif premier était de regagner un portail à dix kilomètres de cette foutue ville ! L'ange toujours dans mes bras, je courus jusqu'à une porte en fer non loin, ce qui eut pour effet de déclencher la charge des démons. Un coup de pied, deux, puis trois... Rien n'y fit, la porte ne voulait pas céder. Je tournais la tête et déjà le premier cornu était sur moi. Je parai son attaque avec l'épée que j'avais ramassée et contrattaquais aussitôt, portant toujours l'ange dans l'autre bras. A peine quelques coups portés que cinq autres arrivèrent. La tâche fut tout de suit plus ardue. Je me contentais de défendre, cherchant une solution pour en sortir en un seul morceau. Heureusement, les démons que je combattais ne donnaient pas dans l'intelligence et empêchaient leur cinq autres copains de se joindre au combat. Alors que les cornus se ruèrent pour une attaque simultanée, je m'accroupis et d'un grand geste circulaire, je fauchais leurs jambes. Certains esquivèrent d'autres non, peu m'importait en fait car cela me donna le temps de poser l'ange dans un coin sûr de me remettre en position.

"Bien, je suis à vous messieurs dames."

Je faisais passer mon épée d'une main à l'autre pour brouiller les pistes. Les jambes arquées, pret à bondir, j'attendais leur attaque. L'hésitation ne fut pas longue et les premiers chargèrent ensembles. J'esquivais la première attaque, bloquais la deuxième et envoya mon poing à la rencontre d'une machoire. Le choc fut bref mais intense et le démon s'écroula par terre surpris par l'ampleur du choc. Il ne fut pas surpris longtemps, car tout en esquivant une troisième et une quatrième attaque, je lui plantais ma lame dans le coeur. Un de ses congénère cria de plus belle et voulu venger son "ami" en me transperçant. Grand malheur lui prit car en me décalant, je pris le soin de lui trancher la gorge. Ils tombaient vite, mais ils étaient encore cinq et d'autres arriveraient bientôt. Je ramassais donc une autre épée et dans une tornade d'acier et de sang, je vînt à bout de quatres de mes ennemis. Le dernier était plutôt costaud et devait peser dans les deux cents kilos. Je n'étais pas sûr d'avoir le temps de le tuer avant que ses potes n'arrivent. Une idée me vînt alors. Audacieuse, mais qui avait le mérite de résoudre mon problème de porte. Prenant ma voix la plus condescendante possible je l'accablais de politesses. alors que nous nous escrimions.

"Cher ami, il me vient une question vitale en tête... Votre mère était-elle une vache ? Ne le prenez pas mal, mais vous avez un cou de taureau et ce nez !"

Devant mon espièglerie, le démon fulmina et lachant ses armes, il chargea comme un taureau. D'un bond, je me retrouvais au dessus de lui et l'aggrippais par les sangles de son haut. Je déployais mes ailes et de puissants battements, je déviais la course éfreinée du fou furieux qui alla s'encastrer dans le cadre de fer. J'aterris rapidement et lacha une épée pour aller récupérer l'ange. Alors que nous nous engouffrions dans l'encadrement de la porte, une trentaine de démons arrivaient en courant de chaque côté de la ruelle. Sans attendre de savoir s'ils allaient nous suivre, ce qui en faisait aucun doute, je courus à travers la pénombre de l'espèce de cave dans laquelle nous venions d'enter. Je faillis trébucher contre nombre d'objets divers et variés trainant par terre.

"Le rangement et les cornus !"

Finalement, je trouvais un escalier et le gravit en quatrième vitesse. Je défonçais la porte et la refermais derrière nous. Je posais de nouveau l'ange et barriquadais comme je pouvais la porte avec tous les meubles de la pièce. Nous avions ainsi quelques minutes de repos tout au plus. Les mains sur les genoux, haletant comme jamais, je récupérais un peu.

"Je m'appele Aëlion Lor'findel."

Encore une minute ou deux et les coups retentiraient à la porte, et il nous faudrait repartir.

Des cris se firent entendre de partout, mais tout ça me passait bien au dessus de la tête. Mon insignifiante vie était désormais remplie. Mon père vengé, je n'avais plus rien à faire ici bas. Je n'avais plus qu'a attendre a être transformé en une pelote d'aiguille et mon âme aura la paix. Mais l'homme qui m'avait sauvé ne m'abandonna pas. Je sus alors qu'il me voulais du bien, du moins pour l'instant. Il me saisit le poignet délicatement, mais avec une rapidité impressionnante qui me sortit de ma torpeur. Il me tordit légèrement la main pour me faire lâcher mon morceau de fer, et me souleva comme un fétu de paille, pour me porter.

Mon corps hurla de mécontentement alors que mes blessures frottaient contre son habit rugueux que je sentais contre mes côtes. Mai il s'avéra être un excellent garde du corps, car jamais je ne ressentis aucun choc. Même une vague de chaleur s'estompa alors qu'un projectile s'écrasait sur son dos.

Si mes yeux étaient morts, mes oreilles ne l'étaient pas et cet inconnu chassa pendant un bref instant mes peurs et doutes, lorsqu'il me sermonna sur la colère. Comment cet homme pouvait-il s'occuper de moi et de la bataille au même moment...

Bien que j'entendis de nombreux hurlements crier des directions et que je sentais l'homme courir aussi vite que possible, les voix se rapprochaient. Je sentis l'homme se retourner violemment, et m tête heurta son torse. A moitié sonnée, le reste de la fuite ne fut que bruit et cris. Je sentais qu'il me reposais a certains moment, mais je n e pouvais pas savoir pourquoi, tellement mon esprit voyageait.

Alors qu'un bruit terrible retentissait, il me reprit et me déposa délicatement sur le sol, avant de retourner déplacer des choses. Sans doute une barricade de fortune... Je l'entendis haleter, signe qu'il était visiblement essoufflé par les combats et la course qu'il venait de faire.

"Je m'appele Aëlion Lor'findel."

Il s'était présenté, et il n'était pas n'importe qui. Tout le monde avait entendu parler de lui, le remplaçant du grand Archange Michaël, celui contre qui la magie était aussi futile qu'un souffle pour faire tomber un chêne. Je tremblais de tous mes membres blessés et endoloris alors que je découvrais que mon sauveur était un des plus grand du Royaume de Dieu. Les larmes recommencaient a couler, et j'essayais de prononcer quelques excuses pour l'avoir obligé a se soucier de moi.

Je... je... m'app... Je suis...Je...
La dure réalité me fit pousser un cri alors qu'un objet me tomba sur la jambe. Il était froid , cylindrique et sonnait métallique. Une sorte de manche à balais. Après avoir réussi à me calmer un peu, je me saisis de cet objet et m'en fit une béquille pour me permettre de me remettre debout.

-Je... Je m'appelle Kalyn Adramelech.. Je suis la fille d'un soldat... Je suis venue ici pour essayer de retrouver mon père.. Et j'ai tout perdu... Je... J'ignore ce qu'un seigneur comme vous fait ici, mais je pense que votre vie est plus importante que la mienne. Je vous remercie de m'avoir sauvée, mais vous devez survivre. Partez,noble seigneur. Si mon corps endolori peut servir à ralentir ces démons, alors je le ferais.

Sans attendre sa réponse je me dirigeais tant bien que mal vers la porte, trébuchant sur tout les objets éparses.

Cette pause me fit du bien, je retrouvais mon souffle et mon rythme cardiaque ralentissait. L'angelot en face de moi était toute tremblante. Elle pleura de nouveau et tenta de pronnoncer quelque phrase pour se présenter. Elle fut interrompue par une barre en métal qui lui tomba sur les genoux. Passée sa surprise, elle s'en servit pour se mettre debout, alors que moi je m'asseyais sur un meuble. Elle me dit son nom et me résuma son histoire en quelques mots lourds de sens. Ensuite, elle me fit comprendre qu'il fallait que je la laisse ici pour sauver ma vie au détriment de la sienne et elle se dirigea vers la porte barriquadée. Elle eut bien du mal à cause de tous les bibelots renversés au sol. Je la suivais du regard. Il y avait du courage dans ce qu'elle faisait, mais je n'étais pas de ceux qui sacrifiaient la vie des autres pour sauvder la leur. Si elle devait mourir, alors je mourrais en essayant de la protéger. Mais nous n'en étions pas encore là.

"Kalyn Adramelech, il est hors de question que je vous abandonne en ces lieux. Votre sort ne sera pas différent du mien."

Je me levais. Je la rejoignais et m'accroupis à côté d'elle. Je posais doucement mes mains sur ses épaules pour la réconforter. Ce simple geste était porteur d'espoir. Mes mains ne tremblait pas, ma voix non plus. J'étais certain que nous allions nous en sortir. C'était cela que je voulais transmettre à cette enfant.

"A la fin de cette journée, nous serons rentrés chez nous. Vous foulerez de nouveau les blancs nuages de notre patrie. J'en fais le serment."

J'attendis un instant, puis je la pris dans mes bras. Il fallait continuer. J'entendais déjà dans l'escalier des bruits de bottes. Les démons arrivaient. Quand le premier coup frappa la porte, nous n'étions déjà plus dans la pièce. Kalyn dans les bras, je grimpais les escaliers quatre à quatre. Le petit temps de répis m'avait permis de réfléchir. Le seul moyen de sortir de cette ville était de voler. Les ailes des démons étaient faites pour planer, profiter des courants d'air chaud. Monter haut pour ensuite piquer vers leur cible. En aucun cas, ils ne pouvaient rivaliser avec nos ailes. Les notres étaient faites bel et bien pour maîtriser les cieux. Elles pouvaient braver les pires tempêtes, nous élever dans l'air le plus froid. Puissantes, majestueuses, elles étaient la raison de notre domination des cieux. J'atteignis le toît. Je pris de la vitesse. Je déployais mes ailes et sautais dans le vide. Je battais des ailes puissament. Nous prenions rapidement de la vitesse et de l'altitude. L'immeuble qui nous abritait quelques minutes auparavant n'était plus qu'un souvenir. La place des torturats était s'éloignait et se fondit bientôt dans la masse de cette ville immonde. Nous n'étions pas pour autant tirés d'affaires. La muraille... Les fortifications de la capitale des enfers ne tardèrent pas à réagir en nous voyant arriver. Une pluie de sorts, de flèches, de balles et de boulets s'abattit sur nous.

"Accroches-toi bien."

En un instant le ciel paisible fit place à une nuée de dangers. J'évitais comme je le pouvais les projectiles et usais de toutes les manoeuvres que je connaissais pour me sortir de là. Nous approchions de plus en plus du rempart. Il fallait le passer. Mais mes talents n'étaient pas ceux de Dieu et je ne pus tout éviter. Une dizaine de flèches se plantèrent dans mes ailes. La douleur était atroce, mais il fallait continuer. Je ne perdais pas beaucoup de sang, les blessures étaient superficielles. Mis à part la douleur et une manoeuvrabilité réduite, cela ne changeait rien. Nous passâmes enfin les remparts. Nous étions presque hors de danger et je pouvais tenir dix kilomètres en volant sans problèmes. Mais, car il y a toujours un "mais", je n'entendis pas le boulet arriver dans mon dos. Je ne le vis pas non plus. Il vînt percuter mon aile droite. Fracassant les os, il la rendit inutilisable. Je ne put retenir un cri de douleur à réveiller les morts. Nous partîmes immédiatement en vrille et nous commençâmes à tomber, de plus en plus vite. Je réussis à garder ma lucidité assez longtemps pour nous faire nous écraser dans une forêt d'arbres à moitié morts. Je recroquevillais autour de Kalyn pour la protéger et attendis le choc. Il ne tarda pas à arriver. Je percutais la cime d'un arbre, pulvérisant les frêles branches. Un second choc contre une énorme branche un peu plus bas me fit perdre connaissance. Elle explosa en un millier d'éclats dont certains vinrent m'écorcher un peu partout sur le visage. Enfin le sol. Par précaution, j'avais rangé mon aile valide. Nous arrivâmes suffisament ralentis pour que la chute ne soit pas mortelle, mais elle fut tout de même lourde. Je fis plusieurs roulades alors que j'étais dans les vappes et finit par m'arrêter au pied d'un arbre. Mon aile droite était complètement brisée et ensanglantée. Mon corps était couvert plaies et de bleus. Il était probable que j'ai des côtes cassées, peut-être même une clavicule. Allongé sur le dos inconscient, j'allais mourir ici. Triste fin. J'aurais préféré mourir sur un champ de bataille aux côtés de mes frères. Mais on ne choisit pas sa fin...

[Hrp : Kalyn, si tu me sauves pas tu seras privé de Lyss pendant un mois !! XD]

Cet archange avait réussi en quelques mots à me stopper, me redonner du courage, et chose rare en ces lieux et moments difficiles, à me faire sourire un peu, malgré mes nombreuses blessures.
Il acceptait la mort tout autant que moi et il était même prêt à mourir en me protégeant. Cet élan de gentillesse et de pitié me fit croire que tout n'était pas entièrement perdu... Lorsque que ses mains me saisirent gentiment les épaules, je sursautais. Il était vraiment quelqu'un de bon et de protecteur. Le futur me sembla un peu plus clair que les ténèbres dans lesquelles je flottais maintenant en permanence.
Il me promit que les blancs nuages du paradis pourront être sentis a la fin de cette journée. J'eus du mal a le croire, mais depuis 4 ans, le paradis devait avoir bien changé... Alors que je me perdais dans des possibilités merveilleuses, les démons eux, étaient bien décidés a nous faire la peau. Les bruits se faisaient de plus en plus proches.

Je sentais qu'on me soulevait du sol. Des mains douces et puissantes. Je me cramponnais à ce corps rassurant. Au moins si l'on mourrait, aurais-je eu le plaisir de me reposer un peu dans ces bras protecteurs. Je sentais le souffle du vent sur mon visage endoloris et la sensation de pesanteur se fit plus forte. Je compris alors que le seigneur Lor'findel s'était envolé. Le vol se fit agréable quelques secondes, et je relâchais quelques peu mon étreinte. Mais l'air se fit frémissant, et mon protecteur me recommanda de m'accrocher. Gémissant de peur, je refermais mes faibles bras autour de son corps. Des sifflements se firent alors entendre, et le vol devint chaotique. Le seigneur bravait milles dangers pour nous permettre de survivre.
Lorsqu'un choc et un léger ralentissement se firent sentir, je devinais qu'il était touché. Mais il tint bon. Jusqu'au choc.
Le bruit d'os broyé que j'avais tant et tant entendu sortir de mon propre corps se fit entendre au dessus de ma tête. Il était cette fois gravement blessé car le vol se transforma en chute. Je sentis ses bras se refermer sur moi. Je gémissais de mécontentement. Il ne devait se soucier de moi dans un contexte aussi catastrophique. Le choc vint. Étrangement, je sentais la fraicheur des feuilles. La branche qui fracassa les cotes de mon protecteur ne lui fit pas grand mal comparé au choc sur le sol et aux roulades qui suivirent. Il s'arrêta contre un arbre. Je sentais sa respiration faiblir a chaque instant. Un liquide chaud et poisseux s'insinua sous mes vêtements. Son sang.

Je me relevais tant bien que mal, son corps ayant supporté tous les chocs les plus durs. J'étais en état de choc, mais pas gravement blessée, tout de moins pas plus qu'avant. Pleurant toutes les rares larmes, j'essayais vainement de réanimer mon protecteur. En vain, la douleur l'avait plongé dans une profonde léthargie. Alors que je le secouais de toutes mes petites forces, ma main heurta une roche sur le sol de la forêt, et les nanomachines contenues dans mon sang s'affolèrent. Seul le métal pouvait activer les nanomachines. Le déclic se fit soudain et je me relevais d'un bond. Même si je ne pouvais pas ressusciter quelqu'un, les bases de mon enseignement permettait de soigner les fractures.
Empoignant la roche métallique, je cherchais une coupure importante dans le corps du seigneur, et je posais ma main dessus. Les nanomachines activées suivirent mes veines pour se diriger vers le pôle magnétique créé par le métal. Une fois stockées, je me coupais le pouce et étalais le sang approximativement autour de l'ouverture. Par capillarité sanguine, les nanomachines pénétrèrent dans le corps de Lor'findel et se fixèrent aux globules rouges. Le mécanisme était enclenché. Par multiplication des cellules, les nanomachines se retrouveraient bientôt nombreuses dans le corps du seigneur. Je n'aurais plus qu'a les activer magiquement et le soin se ferait en quelques heures.

Au bout de quelques minutes, une impression de chaleur se fit ressentir près de la blessure et j'activais par magie distante les propriétés curatives de mes petites ouvrières. Dans environ une heure, le seigneur Lor'findel serait en mesure de marcher, l'antimagie de mon protecteur n'arrêtant que la magie pure. Si les démons ne nous retrouveraient pas avant...

J'ouvrais lentement les yeux. Tout me paraissait flou et j'avais mal partout. Mais mon premier réflexe ne fut pas pour moi. Je cherchais du regard Kalyn pour savoir si elle allait bien. Il me fallut peu de temps pour la trouver, mais beaucoup plus pour que mes yeux y voit correctement. Je pris appuis sur mes bras endoloris pour m'adosser à un arbre. Je ne sentais plus aucune fracture et cela me fit lever un sourcil de surprise. Je ne comprenais pas. C'était impossible. Aussi puissante que soit la magie, elle ne pouvait me soigner. Je posais mon regard dans le sien et je prit mon temps pour parler.

"Est-ce que tu va bien ? Comment as-tu fais pour me soigner ?"

Je sentis un vertige me prendre et une profonde envie de vomir m'oppressa. J'avais besoin de repos et aux vues du sol maculé de sang je savais que j'avais perdu beaucoup de sang. Cependant, nous n'avions pas le temps de nous reposer. Les démons étaient probablement sur nos traces et certainement pas loin. Avec l'aide de l'arbre, je me levais et prit soudain conscience de toutes les blessures qu'elle n'avait put soigner. Mon corps aurait du être brisé, mais grace à elle j'étais en vie, alors ce n'étaient pas une armée de bleus, de plaies et d'hémoragie qui allait m'empêcher de tenir parole. Nous avions encore trois heures avant le coucher du soleil. Nous ne devions pas traîner.

"En route pour la maison."

Clopinant, je m'approchais d'elle et la prit sur mon dos au prix d'un millier de douleurs. Je surpassais ma douleur. Nous n'avions pas le temps de nous appitoyer. Chaque pas que je fesais me lancinait le corps de bas en haut. Jamais encore je n'avais eut aussi mal et pourtant je ne prêtais pas attention à la douleur. Dans mon esprit, il n'y avait que ce portail qui me permettrais de tenir ma promesse et de nous sauver tous deux. La marche fut longue et chaotique, mais jamais je ne fis de pause. Les hurlements des démons à nos trousses se rapprochaient et je commençais à sentir leur odeur. Si bien, qu'au coucher du soleil, notre avance ne se comptait plus qu'en minutes. Cela ne m'inquiétait pas car quand le dernier rayon du soleil disparut, masqué par l'épais maquis d'arbres morts, je posais le pied dans le portail. Nous débouchâmes alors dans la province des nuages. Lieu de mon enfance. A peine étions-nous en lieu sûr, que je m'écroulais sur les nuages et avant de rentrer de nouveau dans le coma, je soupirais une dernière phrase.

"Troisième pavillon... second quartier...Lor... Lor'fi...del."

Puis se fut le noir de nouveau. Mes blessures étaient trop importantes et ma soigneuse trop faible pour me sauver sans se tuer. Mon seul espoir de survie était ma famille. Je ne les avait pas revu depuis des années, mais je savais que ma mère pourrait m'aider...

[Hrp : Suite dans la province des nuages. Adieu monde d'horreur ! ^^]